lundi 22 août 2016

La Vallée du Rhône

                                              - Lettre à un Américain –
-          
- ‘’Amis d’Amérique, je voudrais vous rendre pleinement justice. Un jour, peut- être, des litiges plus ou moins graves s’élèveront entre vous et nous. Toute nation est égoïste. Toute nation considère son égoïsme comme sacré. Il se peut que le sentiment de votre puissance matérielle vous fasse prendre aujourd’hui ou demain des avantages qui nous paraîtrons nous léser injustement. Il se peut que s’élèvent un jour, entre vous et nous, des discutions plus ou moins graves. Si la guerre est toujours gagnée par les croyants, les traités de paix quelquefois sont dictés par les hommes d’affaires. Eh bien, si même un jour je forme dans mon cœur quelques reproches contre les décisions de ceux là, ces reproches ne me feront jamais oublier la noblesse des buts de guerre de votre peuple. Sur la qualité de votre substance profonde, je rendrai toujours le même témoignage. Ce n’est pas pour la poursuite d’intérêts matériels que les mères des Etats- Unis ont donné leurs fils.
Ce n’est pas pour la poursuite d’intérêts matériels que ces garçons ont accepté le risque de mort.
Je sais, et je dirai plus tard chez moi, en vue de quelle croisade spirituelle chacun de vous s’est donné à la guerre.’’

Extrait de ‘’Ecrits de Guerre 1939 – 1944’’
du Commandant Antoine de Saint EXUPERY (pilote et écrivain)
Mort pour la FRANCE le 31 juillet 1944 aux commandes d’un P- 38
‘’Lightning’’ du Groupe Français de Reconnaissance 2/33.   


    - Introduction -



Pour une meilleure compréhension des circonstances dans lesquelles ont été découverts à la fois la zone où s’est déroulée cette mission et le lieu où se sont crashés les avions du 1st Lt. BAGIAN et du F/O JENNINGS, nous allons d’abord présenter le récit du Captain COLGAN, extrait de ‘’World War II – Fighter Bomber Pilot’’ qu’il avait écrit en 1946.

Il s’agit du Chapitre 9 : ‘’The Rhone River Valley’’.

Par la suite, en 2001, après avoir échangé avec lui plusieurs courriers - dont deux sont cités en annexe dans le document ARSA – ANACR 26 l’informant de notre découverte du lieu ou s’était crashé le P- 47 du 1st Lt. Bagian ‘’Red 3’’ dans cette mission (découverte d’ailleurs due a un heureux hasard) , nous avons suivi à la lettre les informations qu’il a eu l’amabilité de nous communiquer : 

‘’ Si vous avez la preuve concrète de la chute du P- 47 du 1st Lt. Bagian à La Bâtie- Rolland, alors, cherchez plus à l’Est’’.

Nous avions cette preuve concrète et nous avons cherché à l’Est ….

     - La Mission de Guerre N° 2375 du 28 août 1944 -

 - Le lundi 28 août 1944, vers 17h.30, une formation de trois P- 47 ‘’Thunderbolts’’ (Section ‘’Red’’) appartenant au 79th Fighter Group – 87th Fighter Squadron décolle du terrain de campagne  installé à Saint RAPHAEL (var) et prend le cap 325° pour effectuer la mission n° 2375 : une reconnaissance armée sur la vallée du Rhône, Valence et Lyon.

L’extrême urgence de cette mission ne peut souffrir aucun retard. Ces trois appareils seront rejoints quelques minutes plus tard par quatre autres P- 47 (section ‘’White’’dont le1st Lt. John T. BOONE est le leader) qui ne sont pas disponibles pour le moment.

 - William B. COLGAN –
Une brume sèche réduit la visibilité à environ 5 miles.

Le Capitaine William B. COLGAN (Red 1) emmène la formation avec le F/O Russell Keith JENNINGS (Red 2) pour ailier tandis que le 2nd lt. Philip BAGIAN (Red 3) vole en solo.
Le ‘’Daily Operation Report’’(Rapport Journalier d’Operations) fait état d’un mitraillage à basse altitude d’une concentration de transports militaires.

Dans une lettre écrite en février 2000 le Capitaine William B. COLGAN précise quelques détails de cette mission :
‘’Nous n’effectuions pas une mission sur un objectif donné ou des coordonnées sur une carte. Notre mission était ‘’Allez jeter un coup d’œil au Nord de la Bomb Line en remontant la vallée du Rhône’’.
Mon attention alors que je remontais la vallée se portait sur l’énorme colonne ennemie ; de quoi était- elle composée , Je cherchais des camions de carburant et je me demandais comment attaquer ce fichu truc pour l’arrêter et le piéger. Je la suivais pour la situer et, par le badin et la montre*, déterminer sur quelle longueur elle s’étendait au Nord de la Bomb Line sans bricoler avec une carte pour identifier des villages ou des coordonnées.
Le rapport que nous essayâmes d’envoyer par radio au sujet de la colonne donnait la situation de la tête de celle- ci en miles au Nord de la bomb Line.
Ensuite, toute notre attention se porta sur le combat.
Si les pilotes de ‘’Red Flight’’ s’en étaient tirés avec des appareils en état de voler, ils auraient  facilement pu situer l’emplacement sur une carte ou donner les coordonnées après le combat mais ils ne s’en sortirent pas comme ça. Le seul qui était encore en l’air (le Capitaine COLGAN lui-même) devait faire face à de gros dégâts, perte de vitesse et l’avion en feu’’.
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NOTE : ‘’Par le badin et la montre* : Connaissant la vitesse sol de l’avion et en chronométrant le temps écoulé entre le début et la fin du survol de la colonne il est possible d’en évaluer sa longueur.
 Le badin (ou Pitot) est l’instrument qui indique la vitesse relative de l’avion par rapport à l’air. Pour connaître la vitesse de l’avion par rapport au sol il suffit d’ajouter à la vitesse indiquée par le badin celle du vent qui le pousse ou, au contraire, d’en retrancher celle qu’il reçoit de face (éventuellement, d’apporter les corrections nécessaires lorsqu’il s’agit d’un vent de travers.)                     



 - «  La Vallée du Rhône » -

-                     Le 28 août 1944 fut une journée claire et ensoleillée dans le Sud de la France. C’était à la fin de l’après- midi. Les vols étaient terminés et la plupart des pilotes et les véhicules étaient déjà rentrés. On était en train de mettre à l’abri les avions qui avaient participé à la dernière mission de la journée. Avec un autre pilote, nous étions assis sur des chaises pliantes devant la tente des Opérations sur notre terrain de St  Raphaël. Il y avait un troisième pilote quelque part dans le voisinage. Nous venions de remettre à jour nos cartes personnelles. Ceci terminé, au lieu d’appeler un véhicule pour nous ramener vers les villas, nous attendions l’Officier de Renseignements, qui terminait ses rapports, pour profiter de sa voiture.

Nos opérations en vol pendant ces derniers jours s’étaient très bien passés : bons résultats des missions, peu de flak et aucune pertes. Pourtant, la guerre n’était pas terminée autour de nous, loin de là. Il y avait eu de durs combats terrestres dans les régions de Toulon et Marseille, après le débarquement allié en Provence.
On voyait toujours aussi, depuis notre terrain, dans les champs environnants, beaucoup de ces planeurs qui avaient été utilisés pendant l’invasion pour amener des troupes.
Dans ces champs, l’ennemi avait planté dans le sol des troncs d’arbres et autres poteaux pour faire obstacle à l’atterrissage des planeurs. A cause de ces obstacles, et des dangers normaux qui vont de pair avec l’utilisation de planeurs au combat, beaucoup d’épaves de planeurs et de planeurs endommagés étaient éparpillés partout dans les environs. Dans de telles opérations, une fois que les pilotes, sans défense, avaient mené à bien le pilotage et l’atterrissage de ces planeurs gros et lourds, ils se retrouvaient au milieu des combats au sol.
C’était là encore un genre de pilotage de guerre qui ne m’aurait pas du tout intéressé pour en faire mon métier, pas plus que d’échanger mon chasseur- bombardier contre un de ces avions de transport de troupe, qui remorquaient les planeurs et effectuaient aussi des lâchers de parachutistes à basse altitude au- dessus du territoire ennemi.
Pourtant, malgré les récents combats et les différents rappels évidents de l’état de guerre, celle- ci a pu nous paraître sur le moment un peu plus éloignée de nous, dans le temps et dans l’espace. Les avions étaient posés là tranquillement, et les quelques pilotes qui traînaient autour semblaient eux aussi désœuvrés, ayant accompli leur part du combat pour la journée. C’est alors qu’un secrétaire jaillit de la tente, en criant que le commandement du Groupe ordonnait une mission immédiate ;
La mission fut mise sur pied sur-le-champ. Les trois pilotes qui se trouvaient sur le terrain constitueraient la formation de tête, ou Section Rouge. Un appel fut diffusé dans les quartiers demandant quatre pilotes pour constituer une deuxième formation ou Section Blanche. Les quelques rampants qui se trouvaient là se dirigèrent vers les appareils qui étaient les plus proches, et un appel fut diffusé pour appeler d’autres mécaniciens pour préparer ceux du deuxième groupe. Des avions non équipés de bombes, prévus pour des missions de mitraillage le matin suivant, furent choisis de manière à éviter d’avoir à manipuler les fusées et décrocher les bombes. Nos ordres pour cette mission étaient ‘’d’aller voir au Nord de la ligne de feu en remontant la vallée du Rhône.’’
Nous fûmes en l’air en quelques minutes. J’étais leader. Le Flight Officer Russell K. Jennings, un jeune pilote tout à fait remarquable et bien intégré dans l’unité, avec une dizaine de missions à son actif, était mon ailier. Le troisième pilote était très largement reconnu comme l’un des meilleurs pilotes au combat parmi nous et il avait déjà été, très tôt, chargé du commandement d’autres missions : le 1er  Lieutenant Philip Bagian. Il devait voler en solo. Notre plan de vol, rapidement dressé, fut marqué au crayon gras sur une carte, et laissée pour Blanc leader afin qu’il l’utilise pour nous rejoindre en route.
Nous avons volé vers l’Ouest, pour suivre les principales routes et voies ferrées qui se dirigeaient vers le Nord, le long de la vallée, depuis Marseille. Alors que nous remontions la vallée du Rhône, cap au Nord, notre formation de trois pilotes, suivie de quatre autres, rencontra le gros de toutes les forces allemandes dans le Sud de la France qui remontaient la vallée vers le Nord et fis donc les premières attaques sur ces convois. L’annonce de cette découverte fut transmise à la Section Blanc, menée par le 1er  Lieutenant John T. Boone, pour qu’ils fassent le relais et passent la nouvelle à n’importe quelle station radio au sol qu’ils pourraient contacter ; puis, pour résumer la mission, la Section Rouge attaqua l’avant même de la colonne où la concentration des blindés et des armes automatiques ennemis fit de terribles ravages puisque Rouge deux (Jennings), de même que Rouge Trois (Bagian) furent descendus et Rouge Un (moi- même rentra péniblement avec un avion dans un tel état qu’il fut ferraillé sur-le-champ en raison des dégâts causés aussi bien par la DCA que par un incendie à bord. La Section Blanc attaqua quelques kilomètres en arrière dans l’énorme colonne ennemie, obtenant d’excellents résultats et tous ses pilotes rentrant sains et saufs. Quelques 50 véhicules furent déclarés détruits et un nombre encore plus important endommagés au cours de cette mission, mais plus important encore, le repérage de la colonne allemande permit d’autres attaques au cours de la nuit et le matin suivant, la plus grande partie de la force allemande était encore prise au piège dans la vallée. L’aviation tactique la bombarda sans arrêt pendant deux jours (plus tard, l’artillerie se mit aussi de la partie), laissant sur place un des plus grands spectacles de destruction et de carnage de toute la guerre.
Bien que le bilan de cette opération aérienne soit parfaitement connu, on sait peu de chose sur la façon dont cela commença, sauf pour ceux qui y ont pris part.
Aussi, je vais faire pas à pas le récit de cette opération aérienne. Bien sûr ce sera fait de mon propre point de vue et d’après ma propre expérience, et ceci sera mis en lumière par mes propres décisions, en tant que chef de mission et sans doute certaines de ces dernières pourront être contestées. Pourtant, ce qu’il faut bien garder en mémoire, c’est l’histoire des pilotes Rouge Deux et Rouge Trois, qui ont obéi à ces décisions. Il y a là une histoire militaire qui mérite d’être connue.
Lors de cette mission tandis que nous volions vers le nord, au-delà de la ligne de front, de toute évidence il y avait de la circulation, et certains véhicules roulaient même très vite. Plus loin en remontant la vallée, passée la région d’Avignon, cette circulation devenait plus dense et il nous sembla que ceux qui roulaient vite essayaient de rattraper ceux qui étaient devant. Un peu plus tard, le spectacle de ces mouvements militaires le long de la grand route à l’Est du Rhône atteignit des proportions jamais vues jusqu’alors.
Nous ne pouvions pas nous être trompés sur la position de la ligne de front, mais ce que nous voyions maintenant nous fit envisager cette possibilité pendant un temps.Souvent, quand nous regardions en bas, de notre côté de la ligne de front, les routes étaient encombrées de véhicules et d’équipements. Mais c’était rarement le cas du côté ennemi du front, sauf si des opérations exceptionnelles étaient en cours. Un changement majeur dans l’organisation des déplacements était visible, à ceci près que tout le trafic, du côté ennemi, était dirigé vers le Nord. On pouvait se demander si toutes les forces alliées dans le Sud de la France  - la 7ème Armée U.S. et les forces françaises (que j’avais entendu dénommer la Première Armée Française, ou l’Armée Française ‘’B’’)  n’avaient pas percé en force et se ruaient maintenant vers le Nord, la  ligne de front ayant cessé d’exister.
Or, il était impossible que cette dernière hypothèse se soit réalisée, et surtout pas aussi loin au Nord que nous l’étions maintenant. Je me suis rapproché un peu plus bas et un peu plus après que notre altitude de 3.500 pieds (1.200 mètres), juste à l’Est de la Nationale, et là, j’ai vu que cette colonne ne correspondait absolument pas à l’image d’une opération alliée, ou américaine, qui était toujours exclusivement composée de matériel d’infanterie américain. Il y avait là un grand nombre de véhicules divers, depuis des engins de guerre  dernier cri jusqu’au chariots hippomobiles. Je me suis alors éloigné un peu et j’ai continué vers le Nord le long de la colonne.
Blanc Leader s’était signalé par radio, et arrivait en coupant un peu plus au nord par rapport à notre propre itinéraire, pour se positionner derrière nous en remontant la vallée. Bien que le repérage ait été relayé à la radio, aucune instruction ou autre ne fut jamais reçue en réponse d’un émetteur au sol et nous étions maintenant, de toute façon, hors de portée de nos centres radio.
En remontant vers le Nord, ce que nous voyions  maintenant devenait carrément difficile à croire. Les véhicules se déplaçaient vers le Nord à deux de front, et même à trois de front pour les petits modèles. Au bout de quelques temps, nous avions survolé près de quarante cinq kilomètres de trafic ininterrompu.
 Bien que n’ayant pas pu apercevoir les croix, assez petites, peintes d’habitude en noir et blanc sur les chars et les véhicules blindés allemands, il y avait peu de doute que ce soit bien eux. Il y avait également peu de doute qu’une grande partie, sinon la totalité des forces allemandes dans le Sud de la France faisait mouvement vers le Nord. Il s’agissait en principe de la 19ème Armée Allemande mais le numéro d’ordre de cette armée n’était pas notre souci immédiat sur le moment. Peut- être avant toute chose dans ma tête, et probablement dans celle des autres pilotes aussi, y avait-il des idées qui concernaient le mitraillage et ce que nous allions trouver en atteignant la tête de cette énorme colonne.
La vallée que nous survolions était étroite, avec des pentes raides et des collines de chaque côté. Celles qui étaient à l’Est étaient couvertes de vignes. Il y avait des voies ferrées et une grand route sur chaque rive du fleuve, dans la vallée, avec peu ou pas de routes secondaires. Peut- être n’y en avait-il pas que les allemands pouvaient se permettre de prendre sans risquer d’être éventuellement coupés de leurs arrières par nos troupes au sol. En tout état de cause, là où se trouvait la colonne maintenant, ils allaient sûrement faire tout ce qui était en leur pouvoir pour éviter qu’elle ne soit arrêtée et jusqu’à présent, pas un seul véhicule ennemi ne s’était rangé sur le côté et aucun homme ne s’était mis à couvert tandis que nous survolions la colonne aux yeux de tous. Ils ne faisaient que continuer à avancer
On disait que l’Armée Allemande dans le Sud de la France avait au moins une division blindée ou division de chars que l’on avait citée il me semble comme étant la 11ème Panzer Division, mais qu’elle ait fait partie, ou que d’autres unités blindées particulières aient fait partie ou non de cette colonne n’allait pas changer grand chose. Quand nous arriverions à la tête de la colonne, il n’y aurait sûrement pas de véhicules hippomobiles, mais au lieu de cela une masse compacte de matériel lourd et toutes les armes automatiques qui avaient pu être rassemblées ce qui formerait une véritable gerbe, peut- être une puissance de feu jamais vue auparavant, concentrée en un seul endroit.

Avec tout ceci présent à l’esprit, j’inclinais doucement le manche pour revenir plus près de la colonne à une ou deux reprises – peut- être plus près que je n’aurais dû – pour chercher un certain type de véhicules. Il s’agissait de camions citernes pleins de carburant et j’avais vu bon nombre de véhicules qui semblaient être exactement cela, échelonnés tout au long du convoi. Et puis aussi, n’importe lesquels des camions ordinaires qui se trouvaient au milieu des blindés et de l’artillerie pouvaient transporter des Jerrycans d’essence ou des munitions. Ainsi, quand nous allions atteindre la tête de la colonne, la présence de camions au milieu des chars devrait être gardée en mémoire. Incendier ou faire exploser de tels véhicules logistiques pouvait être le meilleur moyen de retarder ou de ralentir le mouvement de cet objectif colossal
Nous avons atteint la tête de la colonne près de la ville de Montélimar, exactement dans le petit village de Viennes, tout près de Montélimar. J’ai utilisé la radio dés que j’ai été en vue de la tête du convoi. La Section Rouge attaquerait les tout premiers éléments en tête du convoi et tenterait de déclencher quelques gros incendies. La Section Blanc attaquerait la colonne quelques kilomètres en arrière et mitraillerait tant qu’elle pourrait pour détruire le plus de véhicules possible et réaliser une véritable coupure dans le convoi à cet endroit.
Au moment où j’arrivais à la hauteur des éléments de tête allemands, au bout de mon aile gauche, je m’étais légèrement éloigné et j’avais repris un peu d’altitude. J’étais en position idéale pour une bonne passe de mitraillage, mais assez près aussi pour que tous les canons là, en dessous encadrent les appareils tout au long du parcours. J’étais convaincu que, quoi que je fasse maintenant, cela ne pouvait plus rien changer. Si j’essayais d’aller virer plus loin ou continuais mon vol comme si je n’avais rien vu, ou donnais l’ordre à mes ailiers (qui s’étaient déjà mis en position d’attaque, avec un intervalle entre eux), de rompre et de s’éloigner encore plus, je suis sûr que la réaction aurait été la même, tous les canons ennemis se seraient déchaînés de la même façon. Et quoique sachant parfaitement ce qui allait se passer, à la dernière seconde avant notre évolution finale, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ce formidable spectacle guerrier que nous voyions là, en bas, au sol. Je me suis demandé si quiconque à part Dieu et nous, les trois pilotes, n'avait jamais vu une chose pareille.
Je commençais mon attaque en plongeant en une courbe serrée, et la réaction attendue vint du sol vite et fort. J’en fus un peu étourdi, mais je me suis suffisamment remis du choc et de l’explosion pour me rendre compte que mes ailes étaient toujours presque à la verticale.
J’ai vu un énorme trou dans l’aile droite, là où se trouvaient le canon et sa soute à munitions auparavant. Les panneaux d’aile des deux soutes étaient partis, de même que deux des canons. Les tubes des deux canons intérieurs restants étaient tordus comme des bretzels, l’un était dirigé vers le haut, l’autre pointait droit dans le cockpit. J’ai vu alors la dernière bande de cartouches qui restait dans l’aile ramper comme un serpent sur le bord de fuite de l’aileron, pour finalement tomber dans le vide. On voyait le ciel bien bleu à travers toute la partie de l’aile censée contenir le canon et la soute à munitions.
Cet obus avait touché l’aile avant même que j’aie terminé mon retournement. Il y avait aussi des dégâts occasionnés par les éclats d’obus dans le fuselage, mais le P- 47 volait encore assez bien, aussi j’ai continué mon attaque. Au moment où j’allais tirer (encore que j’aie eu la pensée soudaine que peut- être une balle allait réussir à passer dans le canon tordu et atteindre le cockpit), je fus de nouveau touché quelque part dans le nez de l’avion. J’ai aussi ressenti le souffle d’un autre obus explosif, mais surtout une sorte de choc et de vibration dans tout l’avion comme s’il avait été brusquement stoppé sur place pendant un instant. Mon premier passage fut donc interrompu, au point d’être totalement inefficace, sauf peut- être pour avoir une vue très rapprochée de la force ennemie, et pouvoir appeler les autres pilotes pour leur confirmer, (peut- être inutilement) que le convoi était bien allemand, et leur donner la position de ce qui paraissait être un camion de transport de carburant parmi les véhicules de tête.
Les deux autres pilotes firent des passes de tir efficaces et ou deux petits incendies se déclarèrent au milieu des véhicules ennemis. Aucun des deux pilotes ne parla à la radio, mais à voir le nombre de bouches à feu qui tirèrent depuis les véhicules, les soldats avec leurs armes légères, et depuis des positions d’artillerie dans les environs, leurs chances de ne pas être touchés étaient absolument nulles. Mon avion, lui, fonctionnait toujours mais pas à pleine puissance.
Immédiatement après mon premier passage, à cause des dégâts subis par mon avion, l’idée me traversa l’esprit de changer ce qui avait été prévu au départ pour ce moment là. Maintenant, pour quitter les lieux, il fallait pouvoir monter et passer au dessus des collines élevées, à l’Ouest de la vallée, ou virer à gauche et redescendre la rive Ouest de la vallée, aussi loin que possible du convoi, ou encore faire le choix, qui paraissait meilleur, de virer à droite et de quitter les lieux en s’éloignant de la colonne par l’avant de celle- ci. Quoique nous fassions, nous allions subir encore davantage de ces damnés tirs précis d’armes automatiques pendant toute la manœuvre.
La décision que j’ai prise n’a été aucune de celles- là, mais plutôt de m’en tenir au plan que j’avais en tête depuis le départ. C’est à dire de revenir très vite pour une deuxième passe de mitraillage, et d’essayer d’infliger des dégâts supplémentaires en tête de la colonne, puis de nous échapper dans les collines bien plus proches, à l’Est de la vallée et de nous cacher derrière elles pour nous mettre à couvert pendant notre retraite.
Cette fois- ci j’effectuai une bonne passe, tirant tous les coups que je pouvais avec les quatre mitrailleuses en ordre de marche qui me restaient dans ce que j’espérais être un camion de carburant et autres ‘’brûlots’’ potentiels proches. Le camion d’essence était à découvert du côté Ouest du convoi où il avait été masqué par des blindés pour le protéger à la suite de notre premier passage. Je fis donc cette deuxième passe et je dégageai au- dessus des collines pour quitter la vallée, mais ayant été touché de nouveau, j’étais maintenant en difficulté, avec encore plus de perte de puissance et une épaisse fumée qui s’échappait de l’avion et remplissait le cockpit.
Rouge Deux et Rouge Trois menèrent tous deux leurs passages à bien avec un mitraillage efficace, tiré à bout portant, au ras des véhicules ennemis, avec sûrement des appareils gravement endommagés. Puis Jennings annonça à la radio que Bagian, Rouge trois, s’était écrasé sur le flanc de la colline et m’informa qu’il avait de gros problèmes et qu’il se trouvait plus bas derrière moi. J’essayai de manœuvrer pour le prendre en charge, mais avant que j’aie pu le faire, il s’était déjà écrasé. La Section Blanc entendant cela à la radio annonça qu’ils étaient en route vers notre position. Je me retrouvais alors, de nouveau, dans le champ de tir de la colonne, comme allaient s’y trouver ceux qui tenteraient de couvrir les lieux où les avions s’étaient écrasés. Je donnai l’ordre à Blanc leader de ne pas s’approcher, et d’utiliser les munitions pour couper la colonne de véhicules là où cela avait été décidé.
Comment j’ai réussi à rentrer n’est sûrement pas essentiel dans le récit de cette mission. C’est l’exploit de Jennings et de Bagian, opposés à une puissance de feu ennemi énorme et le sort contraire qui les a écrasés qui constituent la base de cette action. Mais la performance du P- 47 que je pilotais est peut- être assez remarquable en soi. La quantité de fumée qui s’échappait du compartiment moteur ne pouvait à l’évidence provenir que d’un feu à bord, pas seulement de quelque chose qui chauffait et fumait. Cela ne pouvait pas être non plus un incendie dans l’un des réservoirs principaux, car tout alors aurait sauté d’un coup. Peut- être était- ce une fuite de l’arrivée d’essence, ou une fuite d’huile sur l’échappement du moteur. La pression d’huile était pratiquement à zéro. J’ouvris la verrière, me détachai et m’accroupis sur mon siège. Ainsi, si l’avion explosait, j’avais une chance d’être soufflé au loin. J’ai aussi actionné les commandes du turbo pour voir si ce mode de fonctionnement de l’échappement aurait une influence sur ce qui se passait. La fumée diminua.
J’avais assez de puissance pour grimper un peu, mais pas beaucoup de vitesse. Il y avait dans les ailes des trous causés par des armes légères et des éclats, résulta des premiers coups au but de la flak. Je suivais un cap qui m’éloignait de la vallée, en direction d’une zone montagneuse au Sud- Est, où un saut en parachute pourrait avoir lieu au- dessus d’une zone servant de base aux Forces de la résistance française, ou Maquis.
Le moteur tournait toujours, et même la quantité de fumée diminuait encore et donc, les chances de faire ce genre de saut paraissaient meilleures. J’aurais sans doute dû sauter pardessus bord dés que je fus assez haut, et au- dessus du premier terrain propice rencontré, mais comme le moteur tournait toujours, j’ai continué, malgré la pression d’huile qui était maintenant carrément à zéro, et la température du moteur qui commençait à monter un peu.

Eclopé, seul, volant toujours à moins de 2.000 pieds (650 mètres), je ne pouvais pas passer par-dessus les montagnes pour rentrer directement à la base. Basculant plus à l’Est, je survolai l’autre route nationale qui, partant de la Riviera, remontait jusqu’à Grenoble.
Je suis sûr que j’ai ressenti l’explosion de chacun des 5 ou 6 obus de 88 qui ont encadré et environné l’avion, le criblant d’impacts encore davantage et le ballottant à tel point que je fus presque entièrement projeté hors du cockpit, plutôt que moins d’ailleurs, et j’ai dû lutter pour me cramponner et me tirer à l’intérieur. Quand j’y suis parvenu enfin, j’ai eu vraiment des doutes quant à la sagesse de cet effort. La prochaine salve allait certainement faire exploser l’avion, et moi avec. Quelques secondes passèrent puis une minute, puis encore une autre, et les obus suivants n’arrivaient pas. Ils ne sont jamais venus.
Avec maintenant la Section Blanc qui était en route pour me rejoindre, je me trouvais au- dessus d’un territoire qui offrait de bonnes chances de trouver au sol de l’aide française. J’utilisais tous les trucs auxquels je pouvais penser pour refroidir le moteur et, de façon vraiment surprenante , le moteur ne surchauffait pas trop, et il tournait toujours rond. J’ai continué comme cela jusqu’à la base et là, à ma grande surprise, le train est sorti et s’est verrouillé normalement. C’est seulement en finale, en arrivant au bord de la piste, et alors que les gaz étaient réduits au ralenti, que le moteur s’est arrêté avec un bruit sourd, laissant la grande hélice quadri pale bloquée, immobile.
On commença à compter les impacts, mais quand on eut dépassé le nombre de 100 sur le fuselage, il ne parut plus important d’avoir le chiffre exact pour décider et faire un rapport selon lequel l’avion était irréparable. Entre autres choses, le feu avait détruit la paroi coupe- feu du moteur de l’avion. Ce P- 47 (comme beaucoup d’autres, et d’autres types d’appareils au cours de la 2ème Guerre Mondiale) était rentré en vol alors qu’il était techniquement détruit.
Les pertes furent durement ressenties dans le squadron et tout particulièrement par notre commandant d’unité.
De plus, il y eut cette circonstance bizarre d’un rapport de retour de mission qui se trouva être le rapport d’un seul homme sur l’action à la tête de la colonne. La Section Blanc put, bien sûr confirmer la présence et la position de cet énorme convoi, les ordres qui furent donnés, les communications radio et leur observation de différents foyers d’incendie au sol en tête de colonne et autour de celle- ci, mais les détails de l’attaque et sur la DCA qui se trouvait là- bas ne pouvaient être connus que de ce qui restait de la section Rouge – moi – et des Allemands au sol.
Quelques jours plus tard, quand les forces Alliées remontèrent cette vallée, on apprit que la 7ème Armée U.S. avait établi que quelques 2.000 véhicules ennemis avaient été détruits dans la vallée, dans la région de Montélimar. Nos services avancés à terre déménagèrent le 1er septembre pour valence qui devait être notre nouvelle base pour rester à la hauteur des troupes terrestres qui avançaient très vite. Nos convois remontaient la vallée du Rhône sur la Nationale 7 – cette même route empruntée par les Allemands, laquelle route, ainsi que les combats qui s’y étaient déroulés, resterait dans les mémoires sous le nom de ‘’La Route de Montélimar’’.

Voici ce qu’en dit le journal de marche du 79ème Groupe de Chasse (79th Fighter Group) dans un passage :

 ‘’Alors que nous remontions la vallée du Rhône, la puissance de destruction des chasseurs- bombardiers nous apparut avec une effroyable clarté telle qu’aucun de nous ne l’avait vraiment imaginée. Sur une distance d’environ 45 kilomètres de part et d’autre de la petite ville de Montélimar, s’étendait un spectacle de dévastation qui pourrait bien être sans équivalent ailleurs dans cette guerre. A cet endroit s’est créé un goulot d’étranglement de la circulation, blindés, voitures, camions alignés pare- chocs contre pare -chocs, qui ont été continuellement attaqués pendant des jours et des jours. Des véhicules de toutes sortes se sont mutuellement bloqués jusqu’à ce que tous soient victimes de la puissance aérienne Alliée. Il y avait là de gros autocars Diesels, semblables à ceux qui autrefois étaient utilisés pour transporter les voyageurs dans les rues de Berlin ; il y avait des blindés et des charrettes tirés par des chevaux ; il y avait en fait tout ce qui pouvait se déplacer sur roues, et tout cela avait été abandonné dans la fuite. Seule l’odeur des cadavres pourrissant, hommes et bêtes, faisait le lien entre ce matériel et la part qu’il avait joué dans la Wehrmacht. Les épaves avaient été poussées dans les fossés le long de la route par un bulldozer qui était encore au travail tandis que nous filions vers le Nord’’.

Sur les voies ferrées de la vallée, il y avait d’autres preuves du travail des chasseurs- bombardiers quelques jours plus tôt. Quelques sept trains différents, transportant surtout des munitions et quatre ou cinq énormes canons ferroviaires gisaient, inutiles, sur les voies.
Les forces allemandes dans le Sud de la France n’avaient pas toutes été prises au piège et détruites dans cette vallée. On disait qu’un nombre considérable de blindés ainsi que d’autres matériels avaient pu s’échapper et que la majorité des troupes s’en était sortie à pied. Cependant, les pertes globales des forces ennemies en matériel dans le Sud de la France et dans la vallée du Rhône furent terriblement élevées.
L’accueil reçu par notre personnel le long de la Nationale 7 et à Valence fut, de plusieurs façons, une expérience qui n’arrive qu’une fois dans une guerre. Tout d’abord quand un des éléments du convoi fut arrêté par un pont détruit, ils passèrent un ruisseau à gué et prirent une route différente. C’est pourquoi ils entrèrent apparemment dans une zone qui soit avait été évitée par nos troupes au sol, soit n’avait pas encore été atteinte par ces forces, et ils furent accueillis comme les premiers Américains de l’endroit.
Ce voyage à Valence fut caractérisé par la chaleur et la gentillesse de l’accueil tout au long du trajet. Après l’arrivée des avions, l’accueil à valence prit des proportions assez incroyables. Les Français qui avaient courus les pires risques en assistant à nos attaques sur le terrain, reconnaissaient les appareils comme étant ceux qui avaient participé à l’attaque.
Nos officiers furent confrontés à ce dilemme : ou bien ils faisaient appel à la troupe pour tirer sur les hommes, les femmes et les enfants de l’endroit, ou bien ils les laissaient venir continuellement sur le terrain quand nous atterrissions, beaucoup apportant des fleurs, de la nourriture et du vin. A Valence nous nous sommes habitués à opérer sur un terrain ouvert, envahi en permanence par des civils.
Nous avons pu aussi apprécier l’organisation de cet énorme complexe aérien que les allemands avaient quitté seulement un ou deux jours avant notre arrivée. Le nombre d’avions détruits au sol était énorme. Les destructions revendiquées à la suite de nos attaques avaient été bien inférieures à ce qui avait été effectivement détruit ce jour là.
Nous avons eu alors une merveilleuse surprise. Nous avons été stupéfaits, éberlués, mais de la plus joyeuse façon, quant le Lieutenant Bagian, Rouge Trois lors de notre première attaque sur la route de Montélimar arriva à pied à la base. Il n’avançait pas à cloche- pied, mais plutôt en clopinant à l’aide d’une béquille de fabrication locale. Même dans cet état, nous étions ravis de le voir.
Il avait survécu à l’écrasement de son appareil sur le flanc de la colline. Bien que grièvement blessé, il avait pu s’extraire de l’épave assez tôt pour éviter l’incendie et/ou l’explosion de celle- ci et ramper jusqu’à une vigne touffue dans le vignoble environnant. Par la suite, il traversa une épreuve que l’on peut seulement imaginer. D’abord, des patrouilles allemandes, à sa recherche, fouillèrent les environs, sondant les buissons avec leurs baïonnettes et tirant des rafales de pistolets mitrailleurs ou autres armes dans chaque vigne. Ce ne fut pas pour lui un effort unique et de courte durée. Cela dura jusqu’à ce que les Allemands furent contraints au départ par l’arrivée imminente des forces Alliées. Quelques-unes unes des bombes larguées sur les colonnes ennemies toutes proches, tombèrent tout près de sa cachette, surtout la nuit. Le gros des troupes allemandes qui quittait la vallée à pied passa par les vignes et les collines pour éviter les raids aériens sur la route au fond de la vallée. Quelques- uns d’entre eux passèrent tout près, d’autres s’arrêtèrent pour se reposer, manger, etc … et fouillèrent les alentours et même dans la vigne où il se trouvait, ceci jusqu’à ce que le dernier d’entre eux fut parti.
Finalement, des paysans français ou des ouvriers qui soignaient la vigne vinrent par-là. Bagian fut recueilli, nourri, soigné pour les blessures, les plaies et piqûres d’insectes dont il souffrait et on lui donna une béquille qui fut bricolée sur place avec une branche d’arbre. Il descendit jusqu’à la nationale et fut pris en charge par des fantassins de chez nous qui avançaient. Plus tard il vola de nouveau, fit de nombreuses missions et devint l’un des chasseurs bombardiers et chefs de mission les plus décorés, célèbres et respectés de toute la guerre.
On découvrit hélas que Rouge deux, le flight/officer  Jennings, était mort au combat, rejoignant ainsi beaucoup d’autres pilotes qui avaient fait le sacrifice suprême pour leur pays. De tous ceux qui sont morts – et ceux qui ont survécu – à mon avis aucun n’est allé aussi loin au delà de son devoir que ce jeune pilote, Rouge Deux, ce 28 août 1944, sur ‘’La Route de Montélimar’’.
Nous nous étions habitués à voir des visiteurs sur notre terrain de Valence, mais le matin du premier dimanche amena une foule d’hommes, de femmes et d’enfants de la ville et de la campagne environnante, venus passer la journée avec nous. Quelques appareils avaient été rangés de côté (loin des munitions et des hélices en mouvement et autres dangers liés à nos activités) pour que le public puisse les examiner. Ils constituaient une véritable attraction. Les femmes et les jeunes filles préféraient s’asseoir sur les ailes, balançant leurs jambes au- dessus du bord d’attaque, entre les tubes des mitrailleuses. Les hommes paraissaient plus intéressés par les cockpits, tandis que l’endroit favori des gamins était le nez de l’avion et le capot moteur. Quant aux dégâts éventuels qui auraient pu être causés aux avions, on a dit que le public français s’était mieux comporté que certains de nos propres hommes en obéissant scrupuleusement aux avis ‘’Ne Pas Marcher Ici’’ peints sur les volets.
Le groupe accomplit ses premières missions sur l’Allemagne même, depuis Valence. J’ai commandé l’une de ces missions un Dimanche, alors qu’il y avait beaucoup de visiteurs sur le terrain. Chaque avion fut acclamé par les visiteurs pendant qu’il roulait sur la piste et au moment où il poussait son moteur pour décoller. Cette mission était une reconnaissance armée dans le secteur de Fribourg – Mulheim, juste à l’Est de la frontière française, et au nord de la frontière Suisse. En fait, nous devions veiller à passer très au large de la Suisse à l’aller comme au retour.
Nous avons mitraillé deux trains, et puis nous nous sommes mis à mitrailler les péniches sur les canaux des environs. J’avais déjà mitraillé des péniches dans la vallée du Pô, de petits modèles pour l’agriculture, probablement tirés par des animaux de trait depuis la rive. Celles- ci, en Allemagne, étaient de tailles diverses et il y en avait d’assez grosses. Beaucoup semblaient être des bâtiments automoteurs. Nous avons soigneusement évité les principales zones habitées et relevé les emplacements de Flak. En fait, la Flak était pratiquement inexistante ailleurs. Nous avons mitraillé les péniches les unes après les autres et nous en avons incendié un grand nombre.
J’éprouvais un sentiment très net quand nous avons franchi la frontière pour survoler l’Allemagne elle-même. Cette fois- ci, nous frappions l’ennemi sur sa terre natale, au lieu de le combattre dans des pays qu’il avait occupé. Je suppose que j’étais aussi inquiet de savoir à quoi ressemblait l’Allemagne. Je ne sais pas vraiment ce que je m’attendais à voir. Peut- être tout un pays, avec ses campagnes, transformé en une énorme forteresse. Ce que j’ai vu, en fait, outre nos cibles, c’étaient des villes et des villages pittoresques et une jolie campagne très verte sur le pourtour de la Forêt Noire.
Comme le soleil se couchait et que les vols étaient terminés pour la journée, nos visiteurs français repartirent avec beaucoup de gestes d’adieux échangés avec le personnel de la base. Les Français ne sont plus revenus après, apparemment les visites étaient terminées. Nous ne sommes restés que quelques jours de plus avant de déménager de nouveau pour Lyon. Cette expérience unique et ces relations privilégiées entre la ville de Valence et le 79th Fighter Group étaient terminées, sauf dans les souvenirs et pour l’histoire.
L’accueil de Lyon a pu sembler encore meilleur à certains. Nous y avons trouvé l’attitude amicale de toute une ville, au lieu de l’approche d’une communauté rurale. Les spectacles, les cafés et la vie nocturne s’offraient à nous. Nous étions logés dans une maison bourgeoise, au milieu d’un grand domaine, juste en dehors de la ville. Les hommes d’un autre Squadron campaient dans un parc de la ville, entouré d’immeubles. Il se peut qu’ils aient eu là un meilleur système de logement que n’importe quelle autre unité pendant toute la guerre.

Après ma mission sur Montélimar, j’étais à peu près décidé à rentrer chez moi, puis, après le déménagement à Valence, il était évident que nous pourrions voler en Allemagne même et je voulais le faire au moins une fois. Maintenant c’était fait et ce serait sans doute la dernière mission à laquelle j’aurais participé avec le 79ème mais la façon dont les choses se sont passées n’eut rien à voir avec un retour à la maison.



- Le Capitaine William B.  COLGAN -

William B. COLGAN, né à Waycross, en Georgie, en 1920, dut, comme beaucoup de personnes de sa génération, travailler pour aider sa famille, après avoir obtenu son diplôme de fin d’études secondaires.
A vingt et un ans, il fut joueur professionnel de base ball et chauffeur de locomotive.
Il fut volontaire pour servir dans l’U.S. Army Corps lorsque les Etats- Unis entrèrent dans la Seconde Guerre Mondiale. Il termina en 1943 son entraînement de pilote de P- 40 et, en août de cette même année il volait et combattait l’ennemi à partir d’une base de Sicile.
Après avoir accompli vingt missions, Bill Colgan devint chef d’escadrille (Flight leader) et effectua des missions de soutien au débarquement d’Anzio en janvier 1944.
Il secourut son ailier attaqué par quatre chasseurs ennemis, abattit un Me 109 et mit en fuite les trois autres, sauvant ainsi la vie de son camarade. En rentrant à la base, il mena une attaque solitaire contre six chasseurs- bombardiers, en endommageant un.
William B. Colgan devint commandant du 525th Fighter Squadron et, vers la fin de la guerre, il avait à son actif deux cent huit missions de combat sur P- 40 et P- 47 dont la plupart étaient des missions de bombardement et d’attaque au sol. Son Squadron infligea de lourdes pertes à l’ennemi, détruisant des trains de troupes et de ravitaillement, des bateaux, des véhicules, des péniches, de grands emplacements d’artillerie, du personnel et des avions, en soutien à la campagne des Alliés en Italie, dans le Sud et le Nord de la France, en Autriche et en Allemagne.
Il fut blessé une fois, fit deux atterrissages forcés et dut sauter une fois.

Après la guerre il fut nommé officier d’active. Pendant la guerre de Corée, il commanda le 111ème Fighter Bomber Squadron avec lequel il effectua soixante douze missions de combat.
Après celle de Corée il fut le Chef de la Force tactique de l’Aviation de Chasse, à Eglin AFB (Floride) où il participa en vol à nombre de premiers essais du système de tir à basse altitude, avec des armes chargées. En tant que chef des Opérations d’Essais à Eglin, il supervisa la mise en service des chasseurs des séries Century, dirigea et participa en vol à la fameuse ‘’Démonstration de la puissance de feu’’ (Fire Power Demonstration).
Le Colonel Colgan suivit les cours de l’Institut Universitaire national de Guerre et de l’Institut Universitaire des Forces Armées dont il sortit diplômé en 1963.
Alors qu’il était Directeur des Operational Requirements, il effectua Douze missions de combat au Viet- Nam et joua un rôle essentiel dans la naissance du F- 15.
Le Colonel Colgan alors Commandant de la 326th Air Division, prit sa retraite en 1972, ayant servi son pays pendant plus de trente ans.

Le 18 mai 1996, le nom du Colonel William B.  COLGAN fut inscrit au ‘’Palais de la Gloire de l’Aviation’’ de GEORGIE.
Pour sa bravoure et sa valeur il reçut vingt six décorations, entre autres la ‘’Silver Star’’, deux ‘’Legion of merit’’, deux ‘’Presidential Unit Citation’’, quatre ‘’Distinguished Flying Cross’’, quinze ‘’Air Medal’’, le ‘’Purpre Hearth’’ et la ‘’Croix de Guerre’’ française.
William B.  COLGAN et Anita son épouse depuis 1943, résident à Fort Walton Beach en Floride.
Le Colonel COLGAN est l’auteur du livre ‘’Word War Two – Fighter Bomber Pilot’’ ( Pilote de Chasseur- Bombardier pendant la Seconde Guerre Mondiale




                  - 2nd Lieutenant Philip BAGIAN –
Le 2nd Lt. Philip BAGIAN,ASN° 0- 817872, pilotait le P- 47 D 27 RE  SN° 42- 27109 ( MACR n° 8387. Il a eu la gentillesse de nous faire le récit de sa mission :
  ‘’Colgan, Jennings et moi, venions juste de revenir d’une mission le 28 août 1944 et étions encore sur l’aire de stationnement et d’entretien des avions lorsque arriva l’ordre d’envoyer dés que possible quelques appareils attaquer une colonne allemande arrêtée près de Montélimar, dans sa fuite vers le Nord.. De ce fait, nous prîmes  trois avions déjà armés pour la mission du lendemain(cartouches de 50 seulement) et nous décollâmes.
 - 1st Lt. Philip BAGIAN -
En approchant de la zone de l’objectif, nous vîmes une route Nord- Sud complètement bloquée sur des kilomètres par toutes sortes de véhicules. Je crois que nous fîmes notre premier passage en venant de l’Est, mais ensuite, je zigzaguai en faisant des allers et retours de part et d’autre de la route, tirant sur tout ce qui se trouvait en face de moi.
Malheureusement, mes zigzags se firent petit à petit de moins en moins transversaux et de plus en plus longitudinaux. Je coupais la route en diagonale cap  Nord- Ouest lorsque l’un de ces canons quadruples de 20mm qui étaient dressés sur le côté Est de la route ne me rata pas. Le moteur cessa immédiatement de tourner rond et je retraversai la route employant mon énergie à tirer sur le manche pour dégager sur la gauche en montant. Je pensais avoir repéré le canon qui m’avait touché et j’effectuai un demi- tonneau vers l’arrière qui me replaça dans sa direction, maintenant, cap droit à l’Est, mais à ce moment là l’hélice se mit à tourner en ‘’moulinet’’. Avant que je revienne à portée des mitrailleuses, le moteur se grippa et l’hélice se bloqua brusquement. Je tirai sans arrêt sur le canon jusqu’à ce que mes mitrailleuses s’arrêtent, soit que leur canon ait chauffé à l’extrême, soit que mes munitions fussent épuisées. Sur ma lancée, je parvins à passer derrière un coteau qui se trouvait sur le côté Est de la route et choisis un terrain où me poser. Il y avait toutefois une rangée de grands peupliers le long du côté du terrain où je me trouvais et ma  vitesse était insuffisante pour que je puisse passer au-dessus d’eux. Plutôt que de décrocher et m’écraser, je les traversai. L’avion s’en tira bien, mais j’y perdis, à coup sûr, ce qui me restait de vitesse car je tombai plutôt rudement sur le sol et l’avion ne glissa très peu.Dés que je touchai le sol le moteur se détacha et rebondit à 50 ou 60  mètres plus loin et sur la gauche. Je plongeai hors de l’avion, sur l’aile droite et roulai au sol à côté du fuselage. L’avion commençait déjà de brûler. J’enterrai ici mon parachute inutilisé et rampai (j’étais blessé à la cheville et ne pouvais marcher) en contournant l’avion jusqu’à une vigne qui se trouvait à quelques mètres plus loin.
Environ une demi- heure plus tard, j’entendis des voix venant du côté opposé du terrain à celui par où j’étais entré dans la vigne. Peu après, je les vis de ma cachette sous le couvert de la vigne. Il y avait cinq soldats, deux armés de mitraillettes, les autres de fusils. Ils se séparèrent, contournèrent la vigne, puis se retrouvèrent sur les lieux de mon atterrissage forcé. Je les entendais et, à un moment donné, il me sembla qu’ils avaient trouvé mon parachute et compris que je n’avais pas été tué dans la chute de l’avion (j’aurais dû le jeter dans l’avion. L’habitacle avait brûlé et ils auraient probablement supposé que j’avais été tué). Il n’y avait vraiment aucun endroit où se cacher, sauf dans la vigne où je m’étais dissimulé. Ils essayèrent d’y regarder dans l’espoir de me trouver, mais avec toutes les feuilles, ils ne me virent pas. Alors ils tirèrent à la mitraillette au hasard à travers la vigne. Je restai aplati autant que je pus entre les rangées de plants de vigne et ne fus pas touché. A la fin , cela dut les barber car ils partirent.
Je dus m’endormir, car la chose suivante dont je me souviens est qu’il faisait nuit noire et que j’avais froid (je ne portais qu’une combinaison de vol et des chaussures. Pas de blouson ni de gants ni rien d’autre. Il me semblait entendre tout autour de moi le bruit des chenilles de tanks et de moteurs accompagnés d’explosions ici ou là (artillerie, je suppose, mais je n’en suis pas sûr). Un moment après, les choses se calmèrent de nouveau et je dus m’endormir car la chose suivante dont je me souviens est que le soleil était déjà haut.
De nouveau j’entendis des voix mais je ne pensai pas cette fois que c’était des allemands. Je pouvais voir hors de la vigne (au Nord je crois) une longue file d’hommes armés, en vêtements civils, qui marchaient vers ma cachette. Comme ils approchaient je pus me rendre compte qu’ils parlaient français. Ils étaient espacés les uns des autres d’une vingtaine de mètres et devaient se resserrer pour contourner la vigne. J’étais alors dans le coin Nord- Est et cherchais comment dire en français ‘’I am an American aviator’’. Lorsqu’ils furent plus près de moi je leur criai : ‘’Je suis un aviateur américain’’.
Ils m’emmenèrent jusqu’à une maison toute proche où je restai tout le jour et la nuit suivante.. Le lendemain un Major de l’Armée américaine vint en jeep et m’emmena à environ un demi mile jusqu’à une clairière qui était pleine de soldats blessés (principalement des Allemands).
Ensuite on me mit dans une ambulance sur une civière. Six civières tenaient dans l’ambulance et elle était pleine. Les autres types semblaient être plutôt en mauvaise condition. Je ne sais pas si c’était des Allemands ou des Alliés. Ils n’étaient pas trop en état de parler.
Nous allâmes dans une espèce d’hôpital de campagne. C’était principalement un truc en plein air, avec de grandes tentes ici et là, pour des opérations ou quelque chose de ce genre, je pense. Je restais couché là pratiquement toute la journée. On m’apportait à manger car je ne pouvais pas marcher. Je me sentais plutôt mal à l’aise en voyant les types blessés faire la queue pour la bouffe alors que tout ce que j’avais était une cheville esquintée et que j’étais pour ainsi dire servi au ’’lit’’.

Je me mis à parler à l’un des autres patients et lui demandai de me trouver une branche qui pourrait me servir de canne. Ensuite je fis la queue comme tous les autres pour les repas. Après un jour ou deux, il fut tout à fait évident qu’ils ne s’occupaient pas de moi, aussi j’interrogeai un Major pour savoir quand je pourrai rejoindre le Squadron.

Sa réponse fut pratiquement : ‘’Vous serez en état de partir lorsque je vous le dirai. ‘’Aussi, je me traînai jusqu’à la route et fis signe de s’arrêter à une ambulance vide qui partait de l’hôpital. Le conducteur ne savait pas où était mon Groupe mais il me dit qu’il me conduirait à un terrain d’aviation voisin, ce qu’il fit.
Là, je trouvai un Commandant qui pilotait un C- 47 pour le Général. Il me dit qu’il y avait un Squadron d’avions de chasse sur son chemin et qu’il m’y déposerait. Je n’avais qu’à attendre à l’arrière de l’avion. J’attendis là pendant un moment, puis des officiers montèrent le ‘’Général’’, je suppose) et s’assirent sur les sièges placés juste derrière le poste de pilotage. Nous décollâmes et seulement quelques minutes plus tard, nous atterrîmes. Je descendis et le C- 47 continua son chemin. Apparemment, quelqu’un dans la tour me vit clopiner là- bas, car peu après une Jeep vint me chercher. C’est là que la photo a été prise.

-                     Le 1st Lt. John T.  BOONE leader du Flight ‘’White’’ qui opérait dans le même secteur ayant entendu l’appel du 2nd Lt. BAGIAN notait dans son rapport :

‘’Après avoir effectué plusieurs attaques du convoi le Lieutenant BAGIAN signala que son appareil avait été touché par la Flak et qu’il allait sauter en parachute. Rien ne fut observé et il n’y eut pas d’autres conversations radio.’’

Ce contact fut estimé se situer dans le voisinage de la localité de PRIMARETTES, à une dizaine de kilomètres au Nord de Beaurepaire (Isère), vers 18h.25, au point codé ‘’J- 1048’’ (Schéma annexé au MACR. En réalité ce point ne se trouve pas dans le carré ‘’J’’ mais dans la partie Sud du carré ‘’Y’’, jouxtant le carré ‘’j’’ comme nous allons le voir plus loin) ;
Ce même jour, dans la soirée, un chasseur Allié faisait un atterrissage forcé à une quinzaine de kilomètres à l’est de PRIMARETTES. Le pilote aurait été récupéré par un ‘’Piper- Cub’’ ( ?) de l’USAAF. Malheureusement nous n’avons pu rencontrer aucun témoin visuel qui aurait pu nous confirmer ce fait.

Le Flight/Officer Russell K.  JENNINGS.  ASN° T- 62277 pilotait le P- 47- 16RE n° de série : 42- 75997. Le schéma joint au MACR n° 8381 matérialisait son crash au point codé ‘’J- 1840’’, un lieu très proche de celui du Lt. BAGIAN. Lors des recherches entreprises, aucun indice, tant matériel que relevant de témoignages, n’a pu être retenu.

Le Captain William B.  COLGAN écrit :

-‘’ Red 2’’, JENNINGS, et ‘’Red 3’’, BAGIAN, menèrent tous deux leurs passages à bien avec un mitraillage efficace, tiré à bout portant, au ras des véhicules ennemis, avec sûrement des appareils gravement endommagés. Puis JENNINGS annonça à la radio que BAGIAN (Red 3), s’était écrasé sur le flanc d’une colline et m’informa qu’il avait de gros problèmes et se trouvait plus bas derrière moi. J’essayai de manœuvrer pour le prendre en charge, mais, avant que j’aie pu le faire il s’était écrasé.’’

Le F/O  JENNINGS trouva la mort dans ce crash. Il n’eut pas la chance du 2nd Lt. BAGIAN, ni celle du Capt. COLGAN qui parvint à regagner Saint RAPHAEL dans son avion très endommagé, lequel fut d’ailleurs réformé sur place.

Les quatre autres appareils du flight ‘’White’’ eurent aussi la chance de revenir mais tous furent sérieusement touchés par la Flak.

Où s’est écrasé l’appareil du 2nd Lieutenant BAGIAN ?

A cette interrogation, le Captain COLGAN (Aujourd’hui Colonel retired de l’USAF) a eu l’amabilité de bien vouloir répondre à nos nombreux courriers : Faisant référence à des documents officiels établis à l’époque par la ‘’Section du Renseignement’’ du 87th Fighter Squadron qui situaient l’objectif aux environs du petit village de VIENNES, le Colonel COLGAN, bien qu’il n’ait eu connaissance d’aucun village de ce nom nous a précisé qu’il ne s’agissait pas de la ville de VIENNE, au Sud de LYON, puisque l’attaque s’est déroulée aux environs de MONTELIMAR, en rase campagne, à 30 ou 40 miles au Nord d’AVIGNON.

N’ayant trouvé aucun village ou lieu- dit portant le nom de VIENNES dans cette zone nous avons émis l’hypothèse qu’il pouvait s’agir de VIVIERS (rive droite du RHÔNE). En effet, suite à une déformation phonétique, une faute de frappe ou encore à une mauvaise calligraphie de ce nom dans la rédaction d’un document ayant un rapport avec cette mission, il est possible qu’il soit devenu VIENNES.
La description des lieux faite par le colonel COLGAN dans son ouvrage  ‘’Fighter- Bomber pilot’’ correspond bien à cette région appelée le ‘’Défilé de DONZERE’’.

Cette probable confusion (VIENNES au lieu de VIVIERS) va entraîner une erreur dans la rédaction des schémas annexés au MACR n°8387 (Lt. BAGIAN) ainsi qu’au MACR n° 8381 (F/O JENNINGS). Dans cette hypothèse, les rédacteurs ont certainement ‘’pensé VIENNE au Sud de LYON’’ … et situé les deux crashs dans le carré ‘’J’’ de la grille de la grille de localisation. Toutefois, ils auraient dû les signaler dans le carré ‘’Y’’ (PRIMARETTES et VIENNE étant situées dans ce carré).

Qu’ils en soient excusés ! l’avance extraordinairement rapide des Alliés dans la vallée du RHONE entraînant des déménagements répétitifs des Services Administratifs chargés de la rédaction des Rapports a certainement perturbé leur travail engendrant de ce fait les quelques erreurs signalées..

En réalité, les deux crashs se trouvent dans le carré ‘’O’’.

A noter que ces erreurs seront découvertes après la localisation exacte du crash du 1st Lt. BAGIAN, par un hasard extraordinaire comme nous allons le voir :

C’est en réponse à un avis de recherches publié dans ‘’Le DAUPHINE LIBERE’’, à la demande de Monsieur BUISSON, notre correspondant local de la région de Saint RAMBERT d’ALBON (région proche de PRIMARETTES), que nous avons rencontré le 31 août 2000 Monsieur Guy SIBEUD. Celui- ci avait été témoin, fin août 1944, de la chute d’un chasseur Allié, probablement un P- 47 ‘’Thunderbolt’’, dans un champ, à 50 mètres au Nord de la chapelle Saint ANDEOL ; située sur la commune de La BATIE- ROLLAND, à une quinzaine de kilomètres à l’Est de MONTELIMAR (Drome).

Le 27 octobre 2000, Madame NICOLAS et Monsieur MESTRE, présents à La BATIE- ROLLAND en août 1944, nous confirmaient avoir été les témoins de ce fait. Monsieur MESTRE nous confiait alors une photo prise par une de ses parentes.
Nous avons alors déchiffré sur le plan fixe vertical de l’appareil les derniers chiffres de son n° de série  ‘’….109’’ …
Surprise ! Ils correspondaient exactement aux trois derniers chiffres du sérial du P- 47 du Lt. BAGIAN.

La Municipalité de la Commune de La BATIE – ROLLAND informée du résultat des recherches effectuées par l’Association Rhodanienne pour le Souvenir Aérien a décidé dans sa séance du 20 septembre 2001 de faire Citoyen d’Honneur le Lt. Philip  BAGIAN pour sa bravoure lors de la Guerre 1939 – 1945.  (voir Documents annexes)

Et, pour la petite histoire….
-                     A quelques jours de la Victoire, le 04 mai 1945, le Capitaine Philip BAGIAN est invité à CESENATICO, à la célébration de la longue fraternité d’armes entre le 79th Fighter Group et la ‘’Désert Air Force’’ de la RAF.
Plusieurs Officiers Britanniques de Haut rang y participent.
Au cours de la cérémonie, le Capitaine BAGIAN, vétéran aux 120 missions, décoré de la Silver Star était le leader d ‘un groupe de trois P- 47 ‘’Thunderbolt’’ pour un survol symbolique. Son choix ne fut sans doute pas très prudent car BAGIAN était une ‘’Tête Brûlée’’ du 87th Squadron et un Seigneur dans les airs. Il passa comme l’éclair, son moteur rugissant plein gaz à seulement quelques pieds au- dessus de l’estrade où avaient pris place les invités de Haut Rang ….
De ce fait, la cérémonie prit fin  prématurément afin que soient évités des accidents mortels 



-         Où s’est écrasé le P- 47 du F/ O Keith R. JENNINGS –

En 1999, au cours de recherches relatives à l’identification d’un P- 38 ‘’Lightning’’ qui s’est crashé aux environs de MONTBRISON sur le LEZ, notre Président, Roger FERROUSSIER et Claude FAURE, correspondant Régional, apprennent qu’un autre avion a trouvé le même sort face au Monastère de ‘’La Clarté Notre- Dame’’ situé à deux ou trois kilomètres de TAULIGNAN et à égale distance de MONTBRISON.

Ils prennent alors contact avec monsieur AMIR, Maire de MONTBRISON. Celui- ci les fait alors entrer en relation avec Madame LUIGHUI qui les conduira chez Monsieur JARDIN pour les emmener sur le lieu de ce crash.

-F/O Keith  R. JENNINGS -

Monsieur Paul BERARD précisera que le pilote a été enseveli à quelques mètres de l’épave. Ce fait sera confirmé par madame LUIGHUI.

Le 27 février 2000, monsieur André REY, de VALREAS, localise le lieu du crash. L’appareil américain (sur ce point précis, monsieur REY est formel) de type chasseur monomoteur ‘’venait de mitrailler la région de MONTELIMAR’’..
Certainement en difficulté il n’avait plus l’altitude suffisante pour arriver sur le grand terrain plat qui se trouvait devant lui. Survolant ‘’la Clarté Notre- Dame’’ (d’Ouest en Est) il accroche un arbre, se disloque et s’écrase contre une haie d’environ 500 mètres de long et 8 mètres de large, le long d’une route parallèle à la rivière ‘’Le LEZ’’.
L’appareil s’embrase immédiatement, Monsieur REY aidé de l’un de ses voisins, sans moyens pour lutter contre l’incendie jette de la terre sur le pilote, mort,  à quelques mètres de l’avion. Ses vêtements et son parachute brûlent. L’appareil est complètement disloqué. Les explosions des munitions se succèdent autour de l’appareil.
Le cadavre du pilote restera environ deux jours sur place avant que les Moines de ‘’La Clarté Notre- Dame’ enterrent le corps dans un drap blanc apporté du Monastère. Le parachute qui aurait pu servir  de linceul, ou du moins ce qu’il en restait, ayant été récupéré par un habitant. Le corps reposera dans une tombe creusée à proximité et sera exhumé par les Forces Américaines quelques mois plus tard.
Monsieur REY se souvient d’un moteur en étoile comportant deux rangées de cylindres sans pouvoir en préciser le nombre et de cartouches retrouvées sur place et ‘’assez grosses’’.
Le dimanche 28, après- midi, les recherches se poursuivent sur les lieux du crash. A environ 65 mètres à partir du Nord de la haie se trouve un énorme tronc d’arbre, sectionné, en état de pourriture depuis de très nombreuses années. Les recherches effectuées à proximité à l’aide d’un détecteur de métaux permettent la découverte de nombreux morceaux de tôles de couleur gris foncé à très foncé ; de quelques débris de carter, d’aluminium fondu, d’un étui de cartouche de calibre 50 (12.7 mm).
Le 1er avril 2000, nouvelles recherches, celles- ci se concrétisent par la récupération de pièces telles que renvois de câbles par tringlerie, tige de commande, etc…toutes portent un numéro commençant par 89, chiffre qui permet de conclure qu’elles appartiennent à un appareil de type P- 47 ‘’THUNDERBOLT’’.
Les contacts pris auprès des Municipalités de MONTBRISON, TAULIGNAN et VALREAS ne permettent pas de retrouver d’éléments d’identification du pilote dans les Registres des Décès de l’Etat- Civil. Il en est de même auprès des Services Départementaux et Régionaux de l’Office National des Anciens Combattants.
Nos contacts pris avec les occupants actuels du Monastère (une communauté de Religieuses) furent vains car ils n’occupaient pas le Couvent à cette époque.
Des recherches auprès de religieux de l’époque susceptibles d’avoir connu les faits restèrent sans résultats.

En juillet 2001, Nicolas COURTINE, correspondant local de l’ARSA, rencontre Monsieur Sylvain ALLEGRE de REAUVILLE (15 ans en 1944) . Son récit confirme le résultat des recherches de 1999 et 2000, précisant les faits suivants :

‘’En août 1944, à la tombée de la nuit, un chasseur Allié s’est crashé à proximité du quartier des Plans. L’avion qui arrivait suivant un axe d’Ouest en Est a heurté un peuplier qui bordait le LEZ et s’est écrasé au sol. Le lendemain matin, on retrouva le corps carbonisé du pilote. Les Religieux qui vivaient au Monastère, de l’autre côté du LEZ, l’enterrèrent à environ 15 mètres de l’épave de l’avion (étoile blanche sur l’aile). Une croix de bois ainsi qu’une plaque avec une inscription en latin furent apposées sur cette tombe. Une oraison funèbre fut dite par les Moines du Monastère.. Le corps a été exhumé quelques années après.’’

Par un courrier en date du 17 octobre 2001, le Colonel William B. COLGAN (Capitaine au moment des faits) et leader de cette mission nous conseille d’orienter nos recherches plus à l’Est du lieu de crash du Lt. BAGIAN si nous avons la preuve concrète de la chute de son avion à La BATIE- ROLLAND.
Nous constatons alors qu’en utilisant le carré ‘’O’’ de la grille de localisation au lieu du carré ‘’Y’’ (comme nous l’avions fait pour le P- 47 du Lt. BAGIAN), le point O- 1840 (au lieu du point Y- 1840 indiqué sur la grille de localisation annexée au MACR n° 8381 concernant le F/O JENNINGS) correspond à la région de TAULIGNAN / MONTBRISON et le Monastère de ‘’La CLARTE NOTRE- DAME’’ se situe à une vingtaine de kilomètres au Sud Est de La BATIE ROLLAND.

Le F/O Russell K.  JENNINGS a bien trouvé la mort à proximité de ‘’La CLARTE NOTRE- DAME. Le lieu exact du crash se situe toutefois sur la commune de MONTBRISON sur le LEZ (DROME)
Ceci est confirmé dans le ‘’Report of Burial’’ (Rapport d’Inhumation) communiqué par le Service des Archives de l’USAF.Le 06 septembre 1944, le Flight Officer Russell Keith JENNINGS est exhumé  de sa tombe isolée, à proximité de TAULIGNAN et son corps transféré au Cimetière Militaire Américain de MONTELIMAR.
Le 21 Novembre 1945 il est à nouveau transféré, à 15 heures au Cimetière Militaire Américain de LUYNES puis exhumé le 11 mars 1948 en vue du retour aux U.S.A. de sa dépouille mortelle à Saint CHARLES (ILLINOIS).



- DEVOIR DE MEMOIRE -   

Nous venons de lire avec émotion le récit de la mission n° 2375 du 28 Août 1944, nous avons ‘’écouté’’ les paroles de ces hommes : le capitaine William B. COLGAN et le 2nd Lieutenant Philip BAGIAN. Respect, courage : mots en porte-drapeau pour parler de tous ces hommes qui ont laissé leur vie dans l’ombre, au nom de la liberté… de notre liberté. Nous remercions l’Association Rhodanienne pour le Souvenir Aérien qui nous permet de savoir et de comprendre.
Aujourd’hui, notre Association ANACR 26, grâce aux recherches minutieuses de l’un de ses membres actifs : Philippe BIOLLEY, dans le sillage de Pierre GUION son exemple, donne la parole à ce soldat abattu le 28 Août 1944 : le Flight Officer Keith R. JENNINGS.
C’est pour ce jeune homme âgé de 20 ans ½ au moment de sa disparition, ‘’un jeune pilote tout a fait remarquable et bien intégré dans son unité’’, mort sur nos terres, que Philippe BIOLLEY a entrepris jour après jour, mois après mois, de réunir indices et preuves. Preuve de l’inexplicable ? Preuve de ce combat qui reste gravé dans la mémoire de quelques hommes ? Non, preuve que ce jeune homme n’est pas mort pour rien, que nous lui devons, tous, le Devoir de Mémoire.
Tout a commencé par la pièce d’un avion américain (un P- 38 ‘’Lightning’’ ?) crashé près de Valréas, offerte à Philippe BIOLLEY, par un collectionneur Monsieur André BILLON…. L’envie tenace de redonner à la pièce sa ‘’vie d’antan’’ permet de balayer la confusion d’origine. En effet deux avions américains se sont crashés dans la même zone, donc deux histoires différentes et surtout une fin tragique pour l’un. Les documents remis par l’ARSA à Madame REY, ainsi que le contact avec un membre actif de cette association, Monsieur Claude FAURE, permettent à Philippe d’avoir un début de réponse.
La pièce en sa possession est bien celle d’un P- 47 Thunderbolt.
Avec l’accord du propriétaire actuel du terrain, Monsieur Jean- Luc PRADIER, patiemment, Philippe va déterrer, sur le lieu même, à l’aide d’un détecteur de métaux, une centaine de pièces ou plutôt de morceaux de ferraille. Il va les nettoyer, les brosser, les numéroter, les photographier, noter les éraflures, les brisures, les déformations, les remettre dans l’ordre par le biais d’un catalogue de pièces détachées américain.
Oui, jour après jour, mois après mois… jusqu'à faire ‘’l’autopsie’’ de ces quelques dernières secondes, en établir le plan géographique précis et enfin avec des preuves irréfutables, faire raisonner le rapport du crash, celui du capitaine COLGAN :
‘’Une approche normale jusqu’à dix ou vingt pieds, lorsqu’il sembla décrocher, glisser sur le sol et exploser après trois ou quatre secondes’’

Toutes les Associations le savent bien, ce qui est important c’est de faire revivre ce qui s ‘est passé, le temps de comprendre, de transmettre aux générations futures. Que ces morts ne soient pas vaines ! Les mots restent des mots, mais pendant quelques secondes ils redonnent vie à Keith R. JENNINGS, comme si l’âme de ce soldat était libérée de ses derniers liens, comme si notre reconnaissance apportait l’adieu qu’il attendait.
Cette stèle en son honneur va voir le jour, puisse-t-elle être le point de repère qui permette à Keith R. JENNINGS de voyager à la fois au- dessus des terres de Montbrison et de St CHARLES dans l’ILLINOIS.
               Nous ne sommes rien, les uns sans les autres.
               Les uns avec les autres, nous sommes des hommes.


                Keith Russell. JENNINGS est mort en homme

‘’De tous ceux qui sont morts, et ceux qui ont survécu, à mon avis aucun n’est allé aussi loin au- delà de son devoir que ce jeune pilote, Rouge 2, ce 28 Août 1944, sur la route de Montélimar’’ -  Capt COLGAN.-                                       
                                                                (Texte écrit par Nadine Biolley ANACR 26)


- RESTE-T-IL DE LA FAMILLE A KEITH JENNINGS ? -


La question se posa rapidement à Philippe Biolley, au cours de son travail. L’idée de retrouver des membres de la famille s’imposait d’une façon naturelle, obligatoire.
Se plonger dans le passé prend du sens lorsqu’il éclaire le présent : quelque part, aux Etats-Unis, une famille ignorait les circonstances précises qui avaient coûté la vie à Keith JENNINGS et le fait que les moines de « la Clarté » aient veillé le corps du jeune homme…

Ce qui paraît évident aujourd’hui a demandé des heures et des heures de recherches à Philippe ; un travail solitaire sous le regard patient de sa femme et de ses enfants.

La recherche se localisa au Comté de Kane (Kane county Illinois), région où la famille est originaire. En premier lieu, Philippe envoya des mails aux personnes connues pour avoir des contacts fréquents avec la population : shérif, médecin, associations de tous types… Malheureusement aucune réponse…..

En Janvier 2007 : envoi d’un courrier recommandé au « Director of the Kane County Veterans Assistance Commission », qui s’occupe comme son nom l’indique de l’assistance aux vétérans du Comté de Kane. Réponse de convenance, simple formalité :

« Nous vous re-contacterons si nous avons des informations susceptibles de vous être utiles »…

Dans le courant de l’année 2007, des transactions sur des objets de collection sur un site de vente aux enchères renommé ont permis à Philippe d’être en contact avec des personnes se trouvant assez près de cette région (Chicago, Illinois). Il leur parle de Keith Jennings et de ses recherches, ils l’encouragent à continuer : « Jennings » est un nom assez répandu dans ce comté…
Plus tard, une mise à jour d’un site US sur la généalogie, donnant une liste des soldats morts durant la guerre, originaire de l’état de l’Illinois (Chicago Tribune de mars 1945) , le renseignera sur le nom et l’adresse du père de Keith …..

Philippe avance, pas après pas…

Une idée simple mais oh! combien efficace : L’annuaire téléphonique de la ville de St Charles! Rapide référence aux films policiers que nous avons tous visionnés, le résultat est :
179 Jennings vivant  dans cette ville, d’environ 30 000 habitants (environ 6000 h en 1945), ville natale du pilote ! Imaginez !

Philippe commence à envoyer des lettres recommandées aux 6 adresses données gratuitement. Oublions les retours des premiers « recommandés »… et vivons ce 28 novembre 2007, comme tous les matins Philippe consulte les réponses à ses nombreuses investigations.

Imprégnons-nous de ce moment que Philippe décrit ainsi et partageons avec lui :

« Je découvre ce formidable message, inoubliable, qui ne sera pas le dernier… »

“I have received your letter. I am Keith Jenning’s niece. His sister, Priscilla Jean Jennings, is my mother. It was exciting to receive the information you sent and we (I have six brothers and five sisters) are very interested to learn more. Please e-mail to ……
Look forward to hearing from you.
Susan Knight”

                 J'ai reçu votre lettre. Je suis la nièce de Keith Jenning. Sa sœur, Priscilla Jean Jennings, est ma mère. Il était passionnant de recevoir les renseignements que vous avez envoyés et nous (j'ai six frères et cinq sœurs) sont très s'intéressés pour en apprendre plus. S'il vous plaît E-mail à …… Attend impatiemment de recevoir des nouvelles de vous 

Incroyable ! Le courrier est arrivé chez une cousine, qui l’a transmis à Susan et cette dernière sera sur le sol Français quelque mois plus tard !

Comment ne pas faire référence, encore une fois, à la théorie du « battement d’ailes du papillon » : une chose infime se passe quelque part dans le département de la Drôme, un seul homme avec sa conviction, son travail de fourmi, sa rigueur, permet à une femme à des milliers de kilomètres, un matin, d’ouvrir une lettre d’un inconnu, d’un étranger. Quelle a été sa réaction ? Retourner cette lettre, la lire et la relire ? Regarder à nouveau les documents joints qui parlent d’un Keith Jennings ; tout est si loin ! Puis qui a-t-elle appelée, Susan en premier ? Quelqu’un d’autre ?
Se retrouver, parler, fixer une date ? Ressortir les photographies jaunies par le temps qui passe, pour ce jeune homme en France qui détient une partie de l’histoire, celle que la famille ignore et qui a causé bien des souffrances ! oui ! se rappeler et raviver la mémoire enfouie…
Keith Jennings est revenu chez lui  Il est revenu parmi eux pour raconter une dernière fois, sa vie si brève, peut-être aussi pour permettre le deuil véritable ; celui qui se fait lorsque tous les évènements sont connus, les zones d’ombre gommées. Parler encore une fois pour apaiser ce qui avait besoin d’être apaisé. Un battement d’aile de papillon et la consolation trouve sa place, le vide peut s’effacer.

Quelque part un bout de ciel du midi de la France a pris soin de lui. Quelque chose a eu lieu, presque un frôlement… La lettre est sur la table… Aux Etats-Unis… Un mail en France. Quelque chose d’infime, quelque chose de doux, de léger... Deux personnes éloignées par des milliers de kilomètres, ferment les yeux au même moment, le visage tourné vers le ciel, peut-être une brise légère, peut-être le soleil. Vivre l’instant présent, simplement… Aujourd’hui est une belle journée.




                   - Qui était  Keith Russell  JENNINGS ? -

Les témoignages recueillis par Claude FAURE ainsi que les diverses correspondances échangées avec les deux survivants : le Capitaine COLGAN et le 2nd Lieutenant Philip BAGIAN ont permis à l’Association Rhodanienne pour le Souvenir Aérien de reconstituer objectivement la mission n° 2375 du 28 Août 1944.
Cependant, toutes les recherches pour retrouver les parents ou les autres membres de la famille de Keith R. JENNINGS n’ont pu aboutir.

Philippe BIOLLEY, habitant TAULIGNAN, intéressé par l’histoire locale et celle de la Résistance ; passionné également d’Aviation a mené, quelques années plus tard, des recherches minutieuses sur le lieu même du crash de l’appareil. A l’aide de pièces et de débris retrouvés il a tenté de reconstituer tout ce qui était possible de l’être.
Ayant appris que des articles de presse relataient le succès des recherches de l’ARSA, il a pris contact avec son responsable régional - Claude FAURE-  afin de ‘’faire parler’’ ces pièces et connaître enfin l’histoire de cette mission mais surtout celle de R K. JENNINGS et des deux autres pilotes survivants qui effectuaient avec lui la mission.
Il a tenté alors, et avec quel succès, de retrouver la trace de la Famille du pilote !

C’est donc grâce à lui  que nous avons obtenu plusieurs photos de la famille JENNINGS et appris que

- Dwight JENNINGS était son Père et travaillait à la Poste tandis que sa Mère, Helen, était institutrice au bout de la rue où habitait la famille.

- qu’il avait une sœur, Priscilla (surnommée Pat), mariée à  DRIESSEN William Francis  , pilote de l’US Navy  pendant la guerre. Décédé voici quelques années. Ils eurent six filles et six garçons.

- que Dwight ne se remit jamais du décès de son fils, évitant les conversations dés que le nom de Keith était prononcé

- et aussi que Keith était un jeune homme sportif pratiquant le basket- ball

- Susan et Kathleen (les nièces de Keith JENNINGS), leurs frères et leurs sœurs ont été attristés du sort du corps, dans les deux jours qui ont suivi le crash… ‘’mais c’était la guerre, nous sommes heureux qu’il ait pu être retrouvé et enterré …’’